Cela s’est passé un 10 mai

Le 10 mai 1802. Le métis Louis Delgrès (36 ans) adresse « à l’univers entier le dernier cri de l’innocence et du désespoir ».

1802. La révolution est bien finie. La preuve : l’esclavage, aboli par la Révolution en 1794 et la traite des Noirs, sont établis dès 1802, sur souhait de Napoléon. Ce dernier affirme : « Je suis pour les Blancs parce que je suis blanc. Il n’y a pas d’autre raison et celle-là est la bonne.  » Il y a toutefois une autre raison : l’esclavage est une activité rentable qui relance le commerce triangulaire avec les Amériques.

Confirmant son racisme exacerbé, Napoléon « épure » l’armée de ses officiers noirs, comme le général Dumas, le père d’Alexandre. Le despote anéantit les projets de mise en valeur menés par Toussaint Louverture à Saint-Domingue. Quand on parle devant le premier consul d’exterminer tous les Noirs de Guadeloupe, il ne proteste pas.

Le 10 mai 1802, le métis Louis Delgrès (36 ans) adresse à Basse-Terre en Guadeloupe « à l’univers entier le dernier cri de l’innocence et du désespoir ». Il revendique le devoir d’insurrection et lance un appel à la fraternité, par-dessus les barrières de races.

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Quelques jours plus tard, dans l’habitation Danglemont, à Matouba, dans les hauteurs de Basse-Terre (Guadeloupe), il se fait sauter avec ses hommes pour échapper à la cruauté du corps expéditionnaire du général Antoine Richepance (on écrit aussi Richepanse) et de Magloire Pelage. Richepanse fait massacrer plusieurs milliers de Noirs et mulâtres.

Le général Decean remarque : « Et le sucre ? Qui le produira quand il n’y aura plus de nègres ? » Dans un livre dédié à Joséphine, le général des Lozières met en garde contre le métissage : « Le sang africain ne coule que trop abondamment dans les villes des Parisiennes mêmes ». Témoignages d’un racisme d’État, mis en exergue par le bonapartisme.

Joséphine est une béké, une créole à la « peau blanche », descendante des premiers colons européens. Le terme de béké est généralement associé à la puissance économique et néo-coloniale dont ce groupe est dépositaire. Les békés constituent un peu moins d’1% de la population des colonies fRançaises.

Cela s’est passé un 8 mai

Le 8 mai 1945. Pendant qu’à Paris on fête la capitulation allemande, des massacres sont perpétrés à Sétif et Guelma, dans le département fRançais de Constantine, en Algérie de l’Est, entre le 8 mai et le 26 juin 1945.

Ces massacres auraient fait 1500 mort.e.s, selon le chiffre officiel donné par le préfet en accord avec l’armée ; mais plus vraisemblablement entre 20000 à 30000 au rythme de 400 à 500 par jour.

A la base de ces massacres, une rumeur : les musulman.e.s comploteraient pour obtenir l’indépendance. En fait, seul.e.s quelques intellectuel.le.s s’agitent avec prudence. Du côté des colons, il y a l’imbécilité sur fond de racisme crasse : le représentant local du parti socialiste met en garde contre « ces masses incohérentes d’indigènes pouilleux, l’écume à la bouche, prostituant l’Internationale« . Les Européen.ne.s craignent de leur côté une révolte générale provoquée par la disette aggravée par le marché noir.

Le 8 mai 1945, à Setif, une banderole est brandie dans un cortège de paysans qui se rend au monument aux morts : « Vive l’Algérie libre et indépendante ». Un inspecteur tire et tue le porte-drapeau. Des coups de feu, en soutien, partent du Café de fRance. La foule se disperse, s’en prenant aux Européen.ne.s qu’elle croise sur son chemin.  103 sont assassiné.e.s. Les messages affluent au gouvernement général, décrivant des « villages encerclés par les Arabes, pillés, en flamme ».

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Sans vérifier ces informations, les autorités déclenchent des mesures d’exception, disproportionnées : couvre-feu, bombardements par avion de tout rassemblement, tirs d’auto-mitrailleuses. Surtout, l’ancien préfet Achiary crée une milice de volontaires civils à qui il distribue des armes de guerre. L’hydre est lâchée. Alors que la plupart des Européen.ne.s, sidéré.e.s, se terrent, le secrétaire général de la CGT organisent la milice de Guelma qui arrête et fusille les musulmans qu’elle considère comme suspect, les pillant au passage.

 

Cela s’est passé un 7 mai

Le 7 mai 1954. Les fRançais, défaits, capitulent à Diên Biên Phu (Vietnam);

Le général Navarre, nommé en mai 1953 commandant en chef des forces fRançaises en Indochine, assure qu’il mettre fin à la guerre en 18 mois. Installé dans son bureau climatisé de Saigon, arborant toutes les décorations sur son uniforme immaculé, il choisit d’établir un camp retranché dans le nord, à Diên Biên Phu. D’après lui, ce point d’ancrage des troupes  coupera les communications du Viêt-minh (contraction de Việt Nam Ðộc Lập Ðồng Minh Hội = « Front pour l’indépendance du Viêt Nam ») et lui interdira son commerce lucratif d’opium.

Cette opération nommée « Castor » est lancée le 20 novembre1953. Le commandement du camp est confié au colonel de Castries, un cavalier émérite qui oublie de réfléchir mais pas de se faire remarquer dans les réceptions en brisant des verres dont il mâche mes tessons (Oui oui !). Il affirme que l’idéal dans la vie, « c’est d’avoir un cheval à chevaucher, un ennemi à tuer, une femme dans son lit ». Macher des tessons de verre, c’est mal !

La localisation de Diên Biên Phu a pour seul avantage d’être à 13 km de la frontière laotienne. Mais elle présente le considérable inconvénient d’être dans une cuvette  cernée par des collines escarpées couvertes de jungle. Navarre ne tient pas compte des mises en garde. Il affirme que l’endroit est parfait pour des pistes d’atterrissage et que l’ennemi ne pourra y amener des pièces d’artillerie.

Mais le général Giap, commandant des troupes Viêt-minh, dispose de colonnes de coolies qui convoient les munitions à pied ou sur des bicyclettes chargées d’obus, le long de sentiers à flanc de falaise.

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11000 hommes du corps expéditionnaires fRançais sont parachutés ou débarqués. Des bunkers sont aménagés, auxquels le colonel de Castries, portant son éternel képi rouge de spahi, fait donner, entre deux mastication de tessons de verre, les noms de ses nombreuses maîtresses (Huguette, Claudine, Éliane…).

Pour tenir la position, les fRançais comptent sur le ravitaillement aérien. Le 13 mars 1954 à 17 heures, Giap, conseillé par des experts militaires chinois, et à la tête de 50000 hommes, lance une attaque éclair et pilonne les pistes d’atterrissage vite inutilisables. Cloués au sol par les tirs d’artillerie et les assauts au corps à corps, privés de relève, attendant en vain un soutien américain, les fRançais sont contraints à la reddition le 7 mai 1954, après avoir perdu 2300 hommes. 11700 ont été faits prisonniers. Les trois quarts meurent en captivité, sous les tortures dans des camps de « rééducation ». En juillet 1954, les accords de Genève sont signés et la fRance renonce à l’Indochine.

Cela s’est passé un 2 mai

Le 2 mai 1808. Soulèvement des Madrilènes contre l’occupation française.

Pour fermer au commerce anglais les ports du Portugal, de Barcelone et de Cadix, Napoléon décide, pour satisfaire ses ambitions capitalistes, d’intervenir en Espagne, pourtant pays allié. Il a aussi d’autres raisons : il est entre autres persuadé que le pays regorge d’or. Du haut de sa légendaire condescendance, Napoléon considère les Espagnol.e.s comme des attardé.e.s, pensant les manœuvres militaires à mener en ces termes : « C’est un enfantillage ; croyez-moi, cela finira vite ».

Le despote a aussi des ambitions dynastiques pour sa famille. Profitant du différend entre le roi Charles IV et son fils, Ferdinand, héritier du trône, Napoléon les convoque en avril 1808 à Bayonne. Il obtient de Charles qu’il lui cède ses droits au trône et de Ferdinand qu’il renonce à la couronne. La famille royale espagnole est placée en résidence surveillée. Joseph, frère aîné de l’Empereur, devient roi d’Espagne.

Mais le 2 mai 1808, les Madrilènes se soulèvent. Les troupes françaises d’occupation de Murat interviennent et répriment dans le sang. C’est le sens du Tres de Mayo peint par Goya.

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D’autres villes se révoltent. Le 18 juillet 1808, les 20000 hommes du général Pierre Dupont de l’Estang sont battus à Bailen. C’est la première défaite de l’armée impériale, considérée comme invincible. De quoi donner des idées aux autres pays d’Europe. L’Empereur doit retirer ses troupes d’Allemagne et venir en personne en novembre 1808.

Malgré quelques victoires, le conflit s’enlise face à la guérilla. Les Anglais, menés par Wellington, en profitent et pénètrent dans Madrid en août 1812. Le 11 décembre 1813, Napoléon doit restituer son royaume à Ferdinand. Napoléon le reconnaît à Sainte-Hélène : l’intervention, qui a retenu 300 000 soldats français en Espagne, fut la pire de ses erreurs.