Cela s’est passé un 25 février

Le 25 février 1922. Il est 6h05 du matin lorsque Henri-Désirée Landru, incarcéré à la prison de Versailles, est guillotiné.

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Profitant de la guerre, Landru se fait passer pour un riche rentier veuf, esseulé et disposant d’une certaine fortune. Il passe des annonces matrimoniales et rencontre pas moins de 283 femmes. Il en sélectionne 11, veuves et riches, suffisamment isolées de leur entourage, à qui il fait signer des procurations sur leur compte bancaire.

Simulant une prospérité qui n’est que de façade, il leur fait miroiter le mariage et les invite à séjourner brièvement dans une villa isolée qu’il loue, d’abord à Chantilly, puis à Vernouillet et enfin à Gambais. Le choix de cette dernière commune fut motivé par le fait que les enfants de l’une de ses victimes, Mme  Guillin, inquiets de la disparition de leur mère et connaissant l’adresse de Vernouillet, ne tardèrent pas à s’y rendre. Puis il tue ces femmes et les incinère dans la chaudière de la maison qu’il loue à Gambais, en lisière de la forêt de Rambouillet. Landru utilise près de 90 pseudonymes, dont « Monsieur Tartempion » !

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Cuisinière de Landru, désinée par lui-même

Le maire de la ville ayant été informé de la disparition de plusieurs personnes dans sa municipalité, une plainte contre X est déposée en 1919, et les soupçons se portent sur Henri-Désiré Landru, un escroc déjà fiché, demeurant à Paris. On découvre bien des restes humains calcinés dans la villa de Gambais, mais rien de très probant. Cependant, les enquêteurs poussent leurs investigations et mettent à jour des reçus de billets de train : des allers-retours pour lui et des allers simples pour les fiancées.

Sa défense qui consistait à dire : « Montrez-moi les cadavres ! » ne tient plus. Il est condamné à mort et guillotiné à Versailles le 25 février 1922.

 

Voyager à Taïwan, combien ça coûte ?

Je vous propose ici un petit récapitulatif financier de ce que coûte un voyage à Taïwan pour 18 jours. Dans le récapitulatif suivant, vous trouverez le détail du budget que nous nous sommes fixés.

Les frais « fixes » (environ 86% du budget) :

– L’avion = 762 € pour l’aller-retour Charles de Gaulle – Taipei

– Les hôtels : 471 € par personne pour 16 nuits, soit 29,46 € la nuit par personne.

– Nourriture / Boisson : 240 € par personne soit 15 € par jour et par personne.

Soit un total frais « fixes » de 762€ + 471€ + 240€ = 1473 par personne pour 18 jours.

Les frais « variables » (environ 14% du budget) :

Ils dépendent évidemment de ce que vous avez prévu pendant votre voyage. En ce qui nous concerne :

– Transport : 140 €

– Autres : 100 €

Soit un total frais « variables » de 240 .

Pour un total sur le voyage de 1473 + 240 = 1713 tout compris pour 18 jours.

Voyage à Taïwan – Demandez le programme !

Voyage à Taïwan : Demandez le programme !

Cet été, je pars direction Taïwan ! Le voyage aura lieu du 11 au 28 juillet et je serai une nouvelle fois accompagné de mon acolyte, Pierre.

Vous avez loupé un épisode ? Qui est Pierre ? Je présentais l’olibrius dans le programme du voyage au Japon (2015), de cette façon :

« Il s’agit d’un individu passé maître dans l’art de la névrose schizophrénique et de la psychopathie programmatique ! En effet, ce dernier présente le vice de modifier incessamment et de manière compulsive le programme. Je ne compte plus le nombre de fois où j’ai tenté de ramener ce dernier à la raison – avec plus ou moins de réussite.

Depuis quelques temps, l’énergumène s’est calmé sur les modifications. Il fête d’ailleurs aujourd’hui sa première semaine de sobriété !!! Les programmes « Bis », « ReBis », « pasBiS », « Pas ReBis » ne sont plus que de l’histoire ancienne ! Bon d’accord, il y a encore la présence d’un ou deux « ou » dans le programme. Mais quand je demande à Pierre s’il s’agit d’une nouvelle forme de programme « Bis », ce dernier m’affirme avec certitude que non : « c’est un programme avec une alternative » ! J’ai envie de le croire, ne serait-ce que pour ma santé mentale ! »

Voici le programme que nous avons concocté pour ces 18 jours (16 jours quand on enlève l’avion) à Taïwan :

Voyage Taiwan 2019

Jour 1 – Jeudi 11/07/2019 – Avion

On prend l’avion à Charles de Gaulle à 13h25. Le vol est direct et prendra fin le Vendredi 12/07 à 8h15 à l’aéroport de Taipei.

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Jour 2 – Vendredi 12/07/2019 – Taipei

Hôtel : Muzik Hôtel

Au programme, sachant que certains éléments pourront aussi être visités les jours 3, 4, 5, 6 et 16 :

Mémorial Chiang Kai-Shek

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Le temple de Longshan

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Taipei 101

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Temple Baoan

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Mémorial Sun Yat-Sen

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Parc du mémorial de la paix 228

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Maokong

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Elephant Mountain

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Le marché de Shilin (de nuit)

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Jour 3 – Samedi 13/07/2017 – Taipei

Hôtel : Muzik Hôtel

Nous prendrons le train, puis le bus pour Jiufen.jiufen

Au programme :

Teapot Mountain Trailteapot-mountain-trail-jiufen

Golden Waterfall

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Et le soir :

Beitou Longnice Hot Springs

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Jour 4 – Dimanche 14/07/2019 – Taipei

Hôtel : Muzik Hôtel

Nous prendrons le bus pour nous rendre à Yehliu.

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Au programme :

Yehliu Geopark

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Yehliu Boan Temple

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Et le soir : balade dans Taipei (voir jour 2)

Jour 5 – Lundi 15/07/2019 – Taipei

Hôtel : Muzik Hôtel

Nous prendrons le bus pour nous rendre à Wulai.

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Au programme notamment, les chutes de Wulai, accessibles par un téléphérique.

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Et le soir : balade dans Taipei (voir jour 2)

 

Jour 6 – Mardi 16/07/2019 – Hualien

Nous partirons de Taipei pour rejoindre Hualien en train.

Hotel : Hotelday Plus Hualien.

Au programme, visite dans Hualien :

Plage de Hualien

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Jardin des Pins

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Temple

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Nous ferons aussi nos courses pour les randonnées du 17/07 et du 18/07.

Jours 7 et 8 – Mercredi 17/07/2019 et Jeudi 18/07/2019Hualien

Hotel : Hotelday Plus Hualien.

Au programme, les gorges de Taroko :

Avant de nous lancer à l’aventure, nous devrons prendre un pass 2 jours pour le bus touristique permettant de relier Hualien et le Park Taroko.

Une fois à l’entrée du parc, nous devrons nous procurer un pass randonnée, accessible seulement de 7h à 10h.

Une fois dans le parc, plusieurs choses sont à visiter comme les Liqin Falls

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De la même manière, plusieurs circuits de randonnées sont possibles, notamment le terrible Dekalun Trail (3,5 km x2) suivi du Dali-Datong Trail. Ces circuits comportent notamment des alertes Cobras géants, Araignées venimeuses géantes et Frelons asiatiques géants.

En ce qui concerne les circuits de randonnées que nous risquons de faire, les voici :

1) La Piste Shakadang (4 km x 2)

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2) Le Swallow Grotto Yanzikou Trail (710 m x2)

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Ce trail donne accès au Jinheng Park

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3) Le Baiyang Trail (2 km x 2)

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Jour 9 – Vendredi 19/07/2019 – Taitung

Nous prendrons le train pour nous rendre de Hualien à Taitung.

Hôtel : Traveller Inn TieHua Cultural and Creative Hotel

Plusieurs choses à visiter dans cette ville-escale :

Taintung Forest Park

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Taitung Tianhou Temple (le soir)

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Taitung Night Market (le soir)

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Taitung White House (attraction touristique… pour le lol).

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Jour 10 – Samedi 20/07/2019 – Kenting

Nous prendrons le train pour nous rendre de Taitung à Henchung.

Hôtel : Love in.

Au programme :

Eluanbi Lighthouse

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Plage de coraux

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Kenting Street

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Jour 11 – Dimanche 21/07/2019 – Kenting

Hôtel : Love in.

Au programme :

Kenting National parc

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Kenting National Forest Recreation Area

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Jour 12 – Lundi 22/07/2019 – Kaohsiung

Nous prendrons le train pour nous rendre de Henchung à Kaohsiung.

Hôtel : Airlinn Inn.

Au programme :

Pier 2 Art Center

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British Consulate

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Gushan District

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Lotus Pond

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Jours 13 et 14 – Mardi 23/07/2019 et Mercredi 24/07/2019 – Tainan

Nous prendrons le train pour nous rendre de Kaohsiung à Tainan.

Hôtel : 3 Door Hotel.

Au programme de ces deux journées :

Koxinga Temple

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Wu fei Temple

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Confucius Temple

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Fahua Temple

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Chihkan Tower

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Shennong Street

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Tainan Park

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Dadong Night Market (mardi)

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Dans le quartier d’Anping, se promener dans les rues piétonnes

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Dans le quartier d’Anping, château

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Jour 15 – Jeudi 25/07/2019 – Taichung

Nous prendrons le train express pour nous rendre de Tainan à Taichung.

Hôtel : Mini Hotels.

Au programme ce jour :

Cultural Heritage Park

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Confucius Temple

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Ville de Lukang

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Rainbow Village

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Jour 16 – Vendredi 26/07/2019 – Taichung

Hôtel : Mini Hotels.

Au programme ce jour :

Nous prendrons un bus pour nous rendre au Sun Moon Lake.

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Jour 17 – Samedi 27/07/2019 – Taipei

Pour cette dernière journée, nous retournons à Taipei en bus.

Hôtel : Click Hotel

Au programme, ce qui n’a pas été fait à Taipei les premiers jours (voir jour 2)

Et…. Trouver des géocaches pour y mettre nos travel bugs (TB) !!

 

Jour 18 – Dimanche 28/07/2019 – Avion

Départ de l’hôtel vers 7h30 environ pour prendre l’avion à l’aéroport de Taipei. Départ à 10h25 avec une arrivée prévue à Charles de Gaulle à 18h20.

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Cela s’est passé un 24 décembre.

Le 24 décembre 1800. Tentative d’assassinat sur Napoléon Bonaparte.

Le 24 décembre 1800, au soir, le Premier Consul Bonaparte quitte les Tuileries et se rend à l’opéra de Paris pour assister à un concert de Joseph Haydn, compositeur autrichien de musique classique.

Dans la rue Saint-Nicaise, près de la place du Palais-Royal, une charrette portant un gros tonneau bloque le passage. Une fillette tient par la bride le cheval qui la tire. Les grenadiers qui précèdent le carrosse du premier consul dégagent rapidement la charrette et le convoi de Napoléon passe.

Trois minutes plus tard, une formidable explosion tue 22 personnes, dont la fillette placée là par les terroristes, 56 blessés, et ravage plus de 40 maisons.  Le tonneau, une machine infernale, était chargé de poudre et l’un des conjurés, un nommé Saint-Régeant, a mis le feu à la mèche. Mais il a été prévenu deux minutes trop tard par son complice chargé de guetter l’arrive du cortège. Un simple moment de distraction. Et la mèche, humide, a brulé une minute plus longtemps que prévu. Le consul ; Joséphine ; le prince de Neuchatel et de Wagram alors ministre de la Guerre, Berthier ; le commandant de la garde consulaire Lannes ; sont indemnes.

24 décembre 1800

« Le fracas du coup, les cris des habitants, le cliquetis des vitres, le bruit des cheminées et des tuiles pleuvant de toutes parts, firent croire au général Lannes, qui était avec le Consul, que tout le quartier s’écroulait sur eux » raconte Pierre-Louis Desmaret, chef de la division de la police secrète.

« Eh bien messieurs, nous l’avons échappé belle ! » s’exclame Bonaparte, sans se préoccuper du sort de son épouse Joséphine et de sa belle-fille Hortense, laquelle fut légèrement blessé, dans une autre carrosse. Napoléon assiste quand même à la représentation de Haydn à l’opéra.

Le premier consulte de l’émotion publique et saisit le prétexte de l’attentat pour décapiter le courant jacobin, « extrême gauche » d’alors. Fouché, ministre de la Police, sait qu’il n’en est rien, mais il accepte avec les sénateurs d’établir une liste de 130 Jacobins qui se retrouvent proscrits sans bien comprendre ce qui leur arrive. Ils sont déportés sans procès aux colonies (95/130) ou incarcérés, parfois exécutés.

Fouché mène par ailleurs son enquête. Ses enquêteurs n’ont pas la tâche facile. Ils ne disposent pour tout indice que de la tête du cheval qui traînait la machine infernale. Avec celle-ci, ils font le tour des maquignons de Paris et identifient les acheteurs du cheval ! Fouché peut bientôt apporter la preuve au Premier Consul que l’attentat de la rue Saint-Nicaise a été en fait ourdi par des Chouans, insurgés nostalgiques de la royauté. Quatre semaines après l’attentat, les vrais coupables sont arrêtés et exécutés. Mais les Républicains jacobins, condamnés injustement, ne sont pas graciés pour autant…

Cela s’est passé un 9 décembre

Le 9 décembre 1905. La loi sur la séparation des Églises et de l’État est adoptée. Consacrant le fait que l’État ne reconnaît ni ne subventionne aucun culte, cette loi prescrivait aux agents du fisc de faire l’inventaire des biens des églises, objets de culte et mobilier avant de les transmettre aux associations cultuelles.

Mais dans de nombreux endroits, les curés, encouragés par leurs évêques et l’encyclique papale « Vehernenter nos » du 11 février 1906, organisent la résistance. Condamnant la loi, ils se barricadent dans les églises pour empêcher les agents du fisc de procéder à l’inventaire. Fréquemment, il fallut envoyer la troupe pour forcer l’entrée.

En Flandre, la mort d’un manifestant entraîne la chute du ministère Bouvier en mars 1906 et Clemenceau, nouveau ministre de l’Intérieur, ordonne de mener tout inventaire, par la force si nécessaire.

Un prête d’Estaires (59 – Nord) raconte  comment il s’est préparé avec ses paroissiens à un siège : « Des tronçons d’arbres, des arbres entiers ont été entassés dans la cour pour empêcher l’entrée par la grande porte. Des chariots renversés, entrelacés de fagots d’épines et reliés par des ronces rendent l’accès impossible ».

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Barricades de l’église d’Estaires (59 – Nord)

Le 4 mars à midi, les soldats cernent l’église et empêchent toute circulation, tandis que l’église se retrouve bondée de paroissiens réfractaires qui organisent le siège.

L’accès est pourtant franchi le 20 novembre 1906 après deux heures de lutte par la troupe qui s’embusque, fusils brandis, au pied du clocher. Un vieux sonneur en descend. « Rendez vos armes ! » lui intime un officier. « Mes armes ? » s’étonne le sonneur. « L’arme que vous porter à la main ! » « Mais c’est ma pipe ! » répond le vieil homme que l’officier zélé conduit au poste.

Le sonneur est condamné à quinze jours de prison pour rébellion, peine transformée en 300 francs d’amende. Il aurait mieux fait de casser sa pipe !

Cela s’est passé un 17 août

Le 17 août 1893. La xénophobie et plus encore la misère sociale font des dégâts dans la Compagnie des salins du Midi, à Aigues-Mortes, qui recrute des ouvriers pour la récolte du sel. La France, alors en relative stagnation démographique, fait appel à l’immigration européenne pour satisfaire les besoins de l’industrie naissante.

Aigues-Mortes embauche des Italiens, les « Piémontais » venus du nord de la Péninsule, ainsi que des chômeurs des environs, les « Trimards », pour un total d’environ 800 ouvriers. Les premiers, payés au rendement, reprochent aux seconds, payés à la journée, de casser les cadences. Les seconds leur reprochent de leur voler leur travail et de tirer les salaires vers le bas.

Le matin du 16 août, des Français non embauchés ameutent la population et fait courir la rumeur que les « Ritals » ont assassiné des habitants de la ville. A 16 h, la foule attaque les Italiens réfugiés dans les salins de Paccais près d’Aigues-Mortes. Les rixes font quatre victimes et plusieurs blessés, tous Italiens. Le capitaine des gendarmes, Cabley, essaie en vain de ramener le calme et demande des renforts. Un détachement de cinquante cavaliers du 163e de ligne et plusieurs brigades de gendarmerie sont dépêchés sur place par train spécial pour maintenir l’ordre.

Mais la chasse à l’homme à commencé. Elle dure toute la soirée, la nuit, et une partie du lendemain. Les émeutes reprennent de plus belle aux cris de « Mort aux Christos ! ». Poursuivis par 250 ouvriers français, un groupe d’Italiens se réfugie dans une boulangerie où ils sont traqués. Quand la troupe arrive enfin à 18 heures, 10 Italiens sont morts et plus de cinquante blessés à coups de bâton, de fusil ou noyés sont dénombrés.

La presse parisienne, dont Le Figaro, attribuent l’origine des troubles à des provocations venant des Italiens ! Sans attendre, dès le 18 août, le maire d’Aigues-Mortes annonce que « tout travail est retiré par la Compagnie aux sujets de nationalité italienne et que dès demain les divers chantiers s’ouvriront pour les ouvriers qui se présenteront ». La presse italienne s’indigne à juste titre de ce drame et réclame des sanctions exemplaires. Finalement, le 30 décembre 1893, le procès se conclut sur l’acquittement des 17 coupables arrêtés.

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Cela s’est passé un 16 août.

Le 16 août 1861. Pour la première fois en France, une femme de 36 ans, institutrice et militante féministe, Julie-Victoire Daubié passe avec succès le baccalauréat. L’Académie de Lyon décerne le baccalauréat ès Lettres à cette femme dont la candidature avait été refusée par l’Académie de Paris.

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Mais le Ministre de l’Instruction publique de 1861 – qui est aussi Ministre des cultes -, Gustave Rouland, refuse de signer le diplôme de Julie-Victoire Daubié, arguant qu’il « ridiculiserait le ministère de l’Instruction publique ». Il faut attendre quelques mois et l’intervention de l’impératrice Eugénie pour que Julie-Victoire Daubié obtienne la remise effective de son diplôme. Julie-Victoire Daubié est également la première femme à obtenir une licence ès Lettres en octobre 1871, à une époque où les cours sont encore interdits aux femmes. Dans une société majoritairement élitiste et patriarcale, l’objectif continuait d’être celui du baccalauréat institué par Napoléon : fournir des cadres et une élite à l’Empire.

Il faut attendre le tournant libéral du Second Empire pour voir débuter une relative démocratisation des savoirs puisque le successeur de Gustave Rouland, Victor Duruy institue en avril 1867 une loi qui impose l’ouverture d’une école primaire réservée aux filles dans chaque commune de plus de 500 habitants. En 1870, au crépuscule du Second Empire, le premier lycée pour filles ouvre ses portes à Paris. Il s’agit de l’actuel lycée Victor Duruy.

Il n’en demeure pas moins que, au début de IIIème République, et en dépit de cette relative démocratisation des savoirs, passer le baccalauréat demeure une idée saugrenue pour les femmes. Les rares qui pouvaient prétendre à une éducation poussée (venant de familles aisées) ne bénéficiaient le plus souvent que de quelques leçons particulières. La société, en ce début de IIIème République, est très majoritairement misogyne et cantonne le rôle des femmes à celui d’épouses. Ainsi, Jules Ferry, dans De l’Egalité d’éducation (1870), suscitant applaudissements et rires de ces contemporains, répond à l’utilité du baccalauréat pour les filles « A quoi bon ? Je pourrais répondre : à élever vos enfants, et ce serait une bonne réponse, mais comme elle est banale, j’aime mieux dire : à élever vos maris ».  Il n’en demeure donc pas moins que la société de la IIIème République reste réticente, voire réfractaire à éduquer ses filles. Ainsi, en 1892, on ne compte que 10 bachelières. Et il faudra attendre 1924 pour que les épreuves du baccalauréat entre hommes et femmes soient identiques.

 

Bakounine, Dieu et l’Etat

Titre : Dieu et l’État

Auteur : Michel Bakounine

Date : publié en 1882 à titre posthume par ses amis Carlo Cafiero et Élisée Reclus

Bakounine Dieu et l'Etat

Résumé : « Bakounine a un avantage : il n’a jamais été canonisé. Pourtant, sa vie et son œuvre sont indissociables du mouvement révolutionnaire européen. Premier grand théoricien du courant anti-autoritaire, son intransigeance lui valut l’inimitié de Marx et de ses épigones.Dieu et l’État représente une excellente synthèse de la pensée de Bakounine. Le temps est peut-être venu de lire ou de relire ce « penseur agissant ». »

Extraits choisis :

« Trois éléments ou, si vous voulez, trois principes fondamentaux constituent les conditions essentielles de tout développement humain, tant collectif qu’individuel dans l’histoire : 1° l’animalité humaine ; 2° la pensée ; et 3° la révolte. A la première correspond proprement l’économie sociale et privée ; à la seconde, la science ; à la troisième, la liberté. »

« Le bon Dieu, dont la prescience, qui constitue une de ses divines facultés, aurait du pourtant l’avertir de ce qui devait arriver, se mit dans une terrible et ridicule fureur : il maudit Satan, l’homme et le monde créés par lui même, se frappant pour ainsi dire lui-même dans sa propre création (…) et non content de frapper nos ancêtres dans le présent, il les maudits dans toutes les générations à venir, innocentes du crime commis par leurs ancêtres. (…) Puis, se rappelant qu’il n’était pas seulement un Dieu de vengeance et de colère, mais encore un Dieu d’amour, après avoir tourmenté l’existence de quelques milliards de pauvres êtres humains et les avoir condamnés à un enfer éternel, il eut pitié du reste, et pour le sauver, pour réconcilier son amour éternel et divin avec sa colère éternelle et divine, toujours avide de victimes et de sang, il envoya au monde (…) son fils unique afin qu’il soit tué par les hommes. Cela s’appelle le mystère de la rédemption, base de toutes les religions chrétiennes. (…) En attendant, pour nous consoler, Dieu, toujours juste, toujours bon, livre la terre au gouvernement des Napoléon III, des Guillaume Ier, des Ferdinand d’Autriche et des Alexandre de toutes les Russies. Tels sont les contes absurdes qu’on raconte et telles sont les doctrines monstrueuses qu’on enseigner, en plein XIXème siècle, dans toutes les écoles populaire de l’Europe, sur l’ordre exprès des gouvernements. On appelle cela civiliser les peuples ! N’est-il pas évident que tous ces gouvernement sont les empoisonneurs systématiques, les abêtisseurs intéressés des masses populaires ? ».

« L’antiquité et l’universalité d’une croyance seraient, contre toute science et contre toute logique, une preuve suffisante et irrécusable de sa vérité. (…) Qu’y a-t-il de plus antique et de plus universel que l’esclavage ? (…) Dès l’origine de la société historique jusqu’à nos jours, il y a eu toujours et partout exploitation forcé des masses, esclaves, serves ou salariées par l’Église et par l’État. (…) Voilà des exemples qui prouvent que l’argumentation des avocats du Dieu ne prouve rien ».

« Ne regardons donc jamais en arrière, regardons toujours en avant, car en avant sont notre soleil et notre salut ; et s’il nous est permis, s’il est même utile, nécessaire, de nous retourner, en vue de l’étude de notre passé, ce n’est que pour constater ce que nous avons été et ce que nous ne devons plus être, ce que nous avons cru et pensé, et ce que nous ne devons plus ni croire ni penser, ce que nous avons fait et ce que nous ne devons plus jamais faire ».

« N’en déplaise donc aux métaphysiciens et aux idéalistes religieux, philosophes, politiciens ou poètes : l’idée de Dieu implique l’abdication de la raison et la justice humaines, elle est la négation la plus décisive de l’humaine liberté et aboutit nécessairement à l’esclavage des hommes, tant en théorie qu’en pratique« .

« C’est le propre du privilège et de toute position privilégiée que de tuer l’esprit et le cœur des hommes. L’homme privilégié soit politiquement, soit économiquement, est un homme intellectuellement et moralement dépravé. Voilà une loi sociale qui n’admet aucune exception, et qui s’applique aussi bien à des nations toutes entières qu’aux classes, aux compagnies et aux individus. C’est la loi de l’égalité, condition suprême de la liberté et de l’humanité. »

« L’État ne s’appellera plus Monarchie, il s’appellera République, mais il n’en sera pas moins l’État, c’est-à-dire une tutelle officielle et régulièrement établie par une minorité d’hommes compétents, d’hommes de génie ou de talent vertueux, pour surveiller et pour diriger la conduite de ce grand, incorrigible et terrible enfant, le peuple. Les professeurs de l’École et les fonctionnaires de l’État s’appelleront des républicains (…) le peuple, dans ce système, sera l’écolier et le pupille éternel. Malgré sa souveraineté toute fictive, il continuera de servir d’instrument à des pensées, à des volontés et par conséquent aussi à des intérêts qui ne seront pas les siens. Entre cette situation et ce que nous appelons, nous, la liberté, la seule vraie liberté, il y a un abîme. Ce sera, sous des formes nouvelles, l’antique oppression et l’antique esclavage ; et là où il y a esclavage, il y a misère, abrutissement, la vraie matérialisation de la société, tant des classes privilégiées que des masses. « 

« Il faut transformer toutes les églises, tous ces temples dédiés à la gloire de Dieu et à l’asservissement des hommes, en autant d’école d’émancipation humaine. Mais d’abord, entendons-nous : les écoles proprement dites, dans une société normale, fondée sur l’égalité et le respect de la liberté humaine, ne devront exister que pour les enfants et non pour les adultes ; et, pour qu’elles deviennent des écoles d’émancipation et non d’asservissement, il faudra en éliminer avant tout cette fiction de Dieu, l’asservisseur éternel et absolu (…) Toute éducation rationnelle n’est au fond rien que cette immolation progressive de l’autorité au profit de la liberté, le but final de l’éducation ne devant être que celui de former des hommes libres et pleins de respect et d’amour pour la liberté d’autrui ».

« Faites la Révolution sociale. Faites que tous les besoins deviennent réellement solidaires, que les intérêts matériels et sociaux de chacun deviennent conformes aux devoirs humains de chacun. Et pour cela, il n’est qu’un seul moyen : détruisez toutes les institutions de l’inégalité, fondez l’égalité économique et social de tous, et sur cette base s’élèvera la liberté, la moralité, l’humanité solidaire de toute le monde. »

« Il n’y a que deux moyens pour convaincre les masses de la bonté d’une institution sociale quelconque. Le premier, le seul réel, mais aussi le plus difficile, parce qu’il implique l’abolition de l’État – c’est-à-dire l’abolition de l’exploitation politiquement organisée de la majorité par une minorité quelconque -, ce serait la satisfaction directe et complète de tous nos besoins, de toutes les aspirations humaines des masses ; ce qui équivaudrait à la liquidation complète de l’existence tant politique qu’économique de la classe bourgeoise et (…) à l’abolition de l’État. Ce moyen serait sans doute salutaire pour les masses, mais funestes pour les intérêts bourgeois. Donc il ne faut pas en parler. Parlons alors de l’autre moyen, qui, funeste pour le peuple seulement, est au contraire précieux pour le salut des privilèges bourgeois. Cet autre moyen ne peut être que la religion. C’est ce mirage éternel qui entraine les masses à la recherche des trésors divins, tandis que, beaucoup plus modérée, la classe dominante se contente de partager, fort inégalement d’ailleurs et en donnant toujours davantage à celui qui possède davantage, parmi ses propres membres, les misérables biens de la terre et es dépouilles humaines du peuple, y compris naturellement sa liberté politique et sociale ».

 

Étienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire

Titre : Discours de la servitude volontaire

Auteur : Étienne de la Boétie

Date : 1576

Résumé : Le Discours de la servitude volontaire présente certains passages peu safes. Contextualisons cependant : la condescendance de La Boétie envers le « peuple ignorant » et les « couards » manquant de courage est celle d’un magistrat de la deuxième partie du XVIème siècle. Son Discours est aussi celui d’un catholique, alors religion de l’écrasante majorité du royaume de France. S’il remet en cause la tyrannie, ou le mauvais pouvoir d’un seul, La Boétie ne critique pas le principe de la royauté, ni même d’une autorité divine. A une époque éloignée de près de trois siècles de la constitution de l’histoire en sciences, il utilise à foison les « travaux » de propagandistes, qu’il qualifie volontiers d’ « historien(s) parmi les plus sûr(s) ». Il convient donc de prendre le Discours de la servitude volontaire pour ce qu’il est : l’œuvre d’un « homme de son temps ». Il n’en demeure pas moins que la critique apportée au mauvais pouvoir d’un seul, à la tyrannie est d’une pertinence et d’une actualité déconcertantes.

Extraits choisis :

C’est un malheur extrême que d’être assujetti à un maître dont on ne peut jamais être assuré de la bonté, et qui a toujours le pouvoir d’être méchant quand il le voudra. Quant à obéir à plusieurs maîtres, c’est être autant de fois extrêmement malheureux.

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Comment il se peut que tant d’hommes, tant de bourgs, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois un tyran seul qui n’a de puissance que celle qu’ils lui donnent , qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer (…) ils sont fascinés et pour ainsi dire ensorcelés par le seul nom d’un, qu’ils ne devraient pas redouter – puisqu’il est seul – ni aimer – puisqu’il est envers eux tous inhumain et cruel.

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Quel est ce vice, ce vice horrible, de voir un nombre infini d’hommes, non seulement obéir, mais servir, non pas être gouvernés, mais être tyrannisés, n’ayant ni biens, ni parents, ni enfants, ni leur vie même qui soient à eux ? (…) Quel vice monstrueux est donc celui-ci, qui ne mérite pas même le titre de couardise, qui ne trouve pas de nom assez laid, que la nature désavoue et que la langue refuse de nommer.

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Ce tyran seul, il n’est pas besoin de le combattre, ni de l’abattre. Il est défait de lui-même, pourvu que le pays ne consente point à sa servitude. Il ne s’agit pas de lui ôter quelque chose, mais de ne rien lui donner.

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Plus les tyrans pillent, plus ils exigent ; plus ils ruinent et détruisent, plus on leur fournit, plus on les sert. Mais si on ne leur fournit rien, si on ne leur obéit pas, sans les combattre, sans les frapper, ils restent nus et défaits et ne sont plus rien.

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Cette volonté commune aux sages et aux imprudents, aux courageux et aux couards, leur fait souhaiter toutes les choses dont la possession les rendrait heureux et contents. Il en est une seule que les hommes, je ne sais pourquoi, n’ont pas la force de désirer : c’est la liberté.

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Tous ces dégâts, ces malheurs, cette ruine, ne vous viennent pas des ennemis, mais certes bien de l’ennemi, de celui-là même que vous avez  fait ce qu’il est, de celui pour, de celui pour qui vous allez si courageusement à la guerre, et pour la grandeur duquel vous ne refusez pas de vous offrir vous-mêmes à la mort. Ce maître n’a pourtant que deux yeux, deux mains, un corps (…) ce qu’il a de plus, ce sont les moyens que vous lui fournissez pour vous détruire.

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Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre.

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Il est bien inutile de se demander si la liberté est naturelle, puisqu’on ne peut tenir aucun être en servitude sans lui faire tort : il n’y a rien au monde de plus contraire à la nature, toute raisonnable, que l’injustice. La liberté est donc naturelle ; c’est pourquoi, à mon avis, nous ne sommes pas seulement nés avec elle, mais aussi avec la passion de la défendre.

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Il y a trois sortes de tyrans. Les uns règnent par l’élection du peuple, les autres par la force des armes, les derniers par succession de race (…) Quant à celui qui tient son pouvoir du peuple, il semble qu’il devrait être plus supportable ; il le serait, je crois, si dès qu’il se voit élevé au-dessus d tous les autres, flatté par je ne sais quoi qu’on appelle grandeur, il ne décidait de n’en plus bouger. Il considère presque toujours la puissance que le peuple lui a léguée comme devant être transmise à ses enfants. Or dès que ceux-ci ont adopté cette opinion, il est étrange de voir combien ils surpassent en toutes sortes de vices, et même en cruautés, que tous les autres tyrans. Ils ne trouvent pas meilleur moyen pour assurer leur nouvelle tyrannie que de renforcer la servitude et d’écarter si bien les idées de liberté de l’esprit de leurs sujets que, pour récent qu’en soit le souvenir, il s’efface bientôt de leur mémoire.

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Il est incroyable de voir comme le peuple, dès qu’il est assujetti, tombe soudain dans un si profond oubli de sa liberté qu’il lui est impossible de se réveiller pour la reconquérir : il sert si bien, et si volontiers, qu’on dirait à le voir qu’il n’a pas seulement perdu sa liberté mais bien gagné sa servitude.

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Il me semble qu’on doit avoir pitié de ceux qui, en naissant, se trouvent déjà sous le joug, qu’on doit les excuser ou leur pardonner si, n’ayant pas même vu l’ombre de la liberté, et n’en ayant pas entendu parler, ils ne ressentent pas le malheur d’être esclaves.

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Si toutes choses deviennent naturelles à l’homme lorsqu’il s’y habitue, seul reste dans sa nature celui qui ne désire que les choses simples et non altérées. Ainsi la première raison de la servitude volontaire, c’est l’habitude. (…) La première raison pour laquelle les hommes servent volontairement, c’est qu’ils naissent serfs et qu’ils sont élevés comme tels.

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N’est-il pas clair que les tyrans, pour s’affermir, se sont efforcés d’habituer le peuple, non seulement à l’obéissance et à la servitude mais encore à leur dévotion ?

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J’en arrive maintenant à un point qui est, selon moi, le ressort et le secret de la domination, le soutien et le fondement de toute tyrannie. Celui qui penserait que les hallebardes, les gardes et le guet garantissent les tyrans, se tromperait fort. Ils s’en servent, je crois, par forme et pour épouvantail, plus qu’ils ne s’y fient. (…) Ce ne sont pas les armes qui défendent un tyran, mais toujours (…) quatre ou cinq hommes qui le soutiennent et qui lui soumettent tout le pays (…) appelés par lui pour être les complices de ses cruautés, les compagnons de ses plaisirs. (…) En somme, par les gains et les faveurs qu’on reçoit des tyrans, on en arrive à ce point qu’ils se trouvent presque aussi nombreux, ceux auxquels la tyrannie profite, que ceux auxquels la liberté plairait.

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Dès qu’un roi s’est déclaré tyran, tout le mauvais, toute la lie du royaume, je ne dis pas un tas de petits friponneaux et de faquins qui ne peuvent pas faire ni mal ni bien dans un pays, mais ceux qui sont possédés d’une ambition ardente et d’une avidité notable se groupent autour de lui et le soutiennent pour avoir part au butin et pour être, sous le grand tyran, autant de petits tyranneaux.

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S’approcher du tyran, est-ce autre chose que s’éloigner de la liberté et, pour ainsi dire, embrasser et serrer à deux mains sa servitude ?

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Est-ce là vivre heureux ? Est-ce même vivre ?  Est-il rien au monde de plus insupportable que cet état (…) Quelle condition est plus misérable que celle de vivre ainsi, n’ayant rien à soi et tenant d’un autre aise, sa liberté, son corps et sa vie ?

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Certainement le tyran n’aime jamais, et n’est jamais aimé. L’amitié est un nom sacré (…) Elle n’existe qu’entre gens de bien. Elle naît d’une mutuelle estime et s’entretient moins par les bienfaits que par l’honnêteté. Ce qui rend un ami sûr de l’autre, c’est la connaissance de son intégrité (…) Il ne peut y avoir d’amitié là où se trouvent la cruauté, la déloyauté, l’injustice.

 

 

Pierre Kropotkine, La Morale anarchiste

Titre : La Morale anarchiste

Auteur : Pierre Kropotkine

Date : 1889

Il s’agit d’une œuvre du domaine public. Vous pouvez en trouver une version > ICI <

Résumé : « Après Stirner, Proudhon et Bakounine, Pierre Kropotkine poursuit le grand rêve libertaire : ce prince russe devenu géographe de renom se fait le généalogiste d’une morale anarchiste qui dénonce les fausses morales imposées depuis des lustres par « le prêtre, le juge, le gouvernant ».

Avec La Morale anarchiste (1889), livre virulent et raisonné, il montre que seul l’instinct d’entraide est le dépositaire des valeurs humaines à construire. »

Extraits choisis :

Après une longue période de sommeil arrive un moment de réveil. Alors la pensée s’affranchit des chaînes dont tous les intéressés – gouvernants, hommes de loi, clergé – l’avaient soigneusement entortillée. Elle les brise. Elle soumet à une critique sévère tout ce qu’on lui avait enseigné et met à nu le vide des préjugés religieux, politiques, légaux et sociaux, au sein desquels elle avait végété.

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L’ennemi invétéré de la pensée – le gouvernant, l’homme de loi, le religieux (…) profitant de la désorganisation momentanée de la société, exploitant le besoin de repos des uns, la soif de s’enrichir des autres, les espérances trompées des troisièmes – surtout les espérances trompées – se remettent doucement à leur œuvre en s’emparant d’abord de l’enfance par l’éducation.

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Autorité et servilisme marchant toujours la main dans la main.

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S’enrichir, jouir du moment, épuiser son intelligence, son ardeur, son énergie, n’importe comment, devient le mot d’ordre des classes aisées, aussi bien que de la multitude des pauvres gens dont l’idéal est de paraître bourgeois.

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Préjugés, comme tout le reste, je travaillerai à m’en défaire. S’il me répugne d’être immoral, je me forcerai de l’être (…) ne serait-ce que pour protester contre l’hypocrisie que l’on prétend nous imposer au nom d’un mot, auquel on a donné le nom de moralité.

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Ne se courber devant aucune autorité, si respectée qu’elle soit ; n’accepter aucun principe, tant qu’il n’est pas établi par la raison ».

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Le monde animal en général, depuis l’insecte jusqu’à l’homme, sait parfaitement ce qui est bien et ce qui est mal, sans consulter pour cela ni la bible ni la philosophie.

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Lorsqu’une fourmi, qui a bien rempli de miel son jabot, rencontre d’autres fourmis au ventre vide, celles-ci lui demandent immédiatement à manger. Et parmi ces petits insectes, c’est un devoir pour la fourmi rassasiée de dégorger le miel, afin que les amis qui ont faim puissent s’en rassasier à leur tour. Demandez aux fourmis s’il serait bien de refuser la nourriture aux autres fourmis (…) Une fourmi aussi égoïste serait traitée plus durement que des ennemis d’une autre espèce.

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Vendre, c’est toujours plus ou moins voler l’acheteur

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La loi a simplement utilisé les sentiments sociaux de l’homme pour lui glisser, avec des préceptes de moral qu’il accepterait, des ordres utiles à la minorité des exploiteurs; contre lesquels il se rebiffait. Elle a perverti le sentiment de justice au lieu de le développer.

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En toute société animale, la solidarité est une loi de la nature, infiniment plus importante que cette lutte pour l’existence dont les bourgeois nous chantent la vertu sur tous les refrains, afin de mieux nous abrutir.

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Ce principe de traiter les autres comme on veut être traité soi-même, qu’est-il, sinon le principe même de l’Égalité, le principe fondamental de l’Anarchie ? Et comment peut-on seulement arriver à se croire anarchiste sans le mettre en pratique ?

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L’égalité dans les rapports mutuels et la solidarité résulte nécessairement – voilà l’arme la plus puissante du monde animal dans la lutte pour l’existence. Et l’égalité, c’est l’équité.

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Nous ne demandons qu’une chose, c’est à éliminer tout ce qui, dans la société actuelle, empêche le libre développement de ces deux sentiments (l’amour et la haine), tout ce qui fausse notre jugement : l’État, l’Église, l’Exploitation ; le juge, le prêtre, le gouvernant, l’exploiteur. (…) A mesure que la servitude disparaîtra, nous rentrerons dans nos droits. Nous nous sentirons la force de haïr et d’aimer.

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Nous reconnaissons la liberté pleine et entière de l’individu ; nous voulons la plénitude de son existence, le développement libre de toutes les facultés. Nous ne voulons rien lui imposer. (…) Tout cela, bien entendu, ne se fera entièrement que lorsque les grandes causes de dépravation : capitalisme, religion, justice, gouvernement, auront cessé d’exister. Mais cela peut se faire déjà en grande partie dès aujourd’hui. Cela se fait déjà.

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Sois fort ! Déborde d’énergie passionnelle et intellectuelle – et tu déverseras sur les autres ton intelligence, ton amour, ta force d’action ! – Voilà à qui se réduit tout l’enseignement moral, dépouillé des hypocrisies.

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« Laissons aux pourritures fin de siècle cette vie qui n’en est pas une », s’écrie la jeunesse, la vraie jeunesse pleine de sève qui veut vivre et semer la vie autour d’elle. Et chaque fois qu’une société tombe en pourriture, une poussée venue de cette jeunesse brise les vieux moules économiques, politiques, moraux pour faire germer une vie nouvelle. Qu’importe si untel ou untel tombe dans la lutte ! La sève monte toujours. Pour lui, vivre c’est fleurir, quelles qu’en soient les conséquences ! Il ne les regrette pas.