Pierre Kropotkine, La Morale anarchiste

Titre : La Morale anarchiste

Auteur : Pierre Kropotkine

Date : 1889

Il s’agit d’une œuvre du domaine public. Vous pouvez en trouver une version > ICI <

Résumé : « Après Stirner, Proudhon et Bakounine, Pierre Kropotkine poursuit le grand rêve libertaire : ce prince russe devenu géographe de renom se fait le généalogiste d’une morale anarchiste qui dénonce les fausses morales imposées depuis des lustres par « le prêtre, le juge, le gouvernant ».

Avec La Morale anarchiste (1889), livre virulent et raisonné, il montre que seul l’instinct d’entraide est le dépositaire des valeurs humaines à construire. »

Extraits choisis :

Après une longue période de sommeil arrive un moment de réveil. Alors la pensée s’affranchit des chaînes dont tous les intéressés – gouvernants, hommes de loi, clergé – l’avaient soigneusement entortillée. Elle les brise. Elle soumet à une critique sévère tout ce qu’on lui avait enseigné et met à nu le vide des préjugés religieux, politiques, légaux et sociaux, au sein desquels elle avait végété.

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L’ennemi invétéré de la pensée – le gouvernant, l’homme de loi, le religieux (…) profitant de la désorganisation momentanée de la société, exploitant le besoin de repos des uns, la soif de s’enrichir des autres, les espérances trompées des troisièmes – surtout les espérances trompées – se remettent doucement à leur œuvre en s’emparant d’abord de l’enfance par l’éducation.

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Autorité et servilisme marchant toujours la main dans la main.

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S’enrichir, jouir du moment, épuiser son intelligence, son ardeur, son énergie, n’importe comment, devient le mot d’ordre des classes aisées, aussi bien que de la multitude des pauvres gens dont l’idéal est de paraître bourgeois.

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Préjugés, comme tout le reste, je travaillerai à m’en défaire. S’il me répugne d’être immoral, je me forcerai de l’être (…) ne serait-ce que pour protester contre l’hypocrisie que l’on prétend nous imposer au nom d’un mot, auquel on a donné le nom de moralité.

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Ne se courber devant aucune autorité, si respectée qu’elle soit ; n’accepter aucun principe, tant qu’il n’est pas établi par la raison ».

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Le monde animal en général, depuis l’insecte jusqu’à l’homme, sait parfaitement ce qui est bien et ce qui est mal, sans consulter pour cela ni la bible ni la philosophie.

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Lorsqu’une fourmi, qui a bien rempli de miel son jabot, rencontre d’autres fourmis au ventre vide, celles-ci lui demandent immédiatement à manger. Et parmi ces petits insectes, c’est un devoir pour la fourmi rassasiée de dégorger le miel, afin que les amis qui ont faim puissent s’en rassasier à leur tour. Demandez aux fourmis s’il serait bien de refuser la nourriture aux autres fourmis (…) Une fourmi aussi égoïste serait traitée plus durement que des ennemis d’une autre espèce.

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Vendre, c’est toujours plus ou moins voler l’acheteur

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La loi a simplement utilisé les sentiments sociaux de l’homme pour lui glisser, avec des préceptes de moral qu’il accepterait, des ordres utiles à la minorité des exploiteurs; contre lesquels il se rebiffait. Elle a perverti le sentiment de justice au lieu de le développer.

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En toute société animale, la solidarité est une loi de la nature, infiniment plus importante que cette lutte pour l’existence dont les bourgeois nous chantent la vertu sur tous les refrains, afin de mieux nous abrutir.

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Ce principe de traiter les autres comme on veut être traité soi-même, qu’est-il, sinon le principe même de l’Égalité, le principe fondamental de l’Anarchie ? Et comment peut-on seulement arriver à se croire anarchiste sans le mettre en pratique ?

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L’égalité dans les rapports mutuels et la solidarité résulte nécessairement – voilà l’arme la plus puissante du monde animal dans la lutte pour l’existence. Et l’égalité, c’est l’équité.

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Nous ne demandons qu’une chose, c’est à éliminer tout ce qui, dans la société actuelle, empêche le libre développement de ces deux sentiments (l’amour et la haine), tout ce qui fausse notre jugement : l’État, l’Église, l’Exploitation ; le juge, le prêtre, le gouvernant, l’exploiteur. (…) A mesure que la servitude disparaîtra, nous rentrerons dans nos droits. Nous nous sentirons la force de haïr et d’aimer.

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Nous reconnaissons la liberté pleine et entière de l’individu ; nous voulons la plénitude de son existence, le développement libre de toutes les facultés. Nous ne voulons rien lui imposer. (…) Tout cela, bien entendu, ne se fera entièrement que lorsque les grandes causes de dépravation : capitalisme, religion, justice, gouvernement, auront cessé d’exister. Mais cela peut se faire déjà en grande partie dès aujourd’hui. Cela se fait déjà.

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Sois fort ! Déborde d’énergie passionnelle et intellectuelle – et tu déverseras sur les autres ton intelligence, ton amour, ta force d’action ! – Voilà à qui se réduit tout l’enseignement moral, dépouillé des hypocrisies.

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« Laissons aux pourritures fin de siècle cette vie qui n’en est pas une », s’écrie la jeunesse, la vraie jeunesse pleine de sève qui veut vivre et semer la vie autour d’elle. Et chaque fois qu’une société tombe en pourriture, une poussée venue de cette jeunesse brise les vieux moules économiques, politiques, moraux pour faire germer une vie nouvelle. Qu’importe si untel ou untel tombe dans la lutte ! La sève monte toujours. Pour lui, vivre c’est fleurir, quelles qu’en soient les conséquences ! Il ne les regrette pas.

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